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Entretien 23/04/2024

“Il existe très peu d’études sur le vitiligo, et encore moins sur le vitiligo chez les jeunes. Une approche quantitative et qualitative sur un groupe de jeunes vivant avec un vitiligo donne une complémentarité nécessaire pour comprendre la situation des deux points de vue.”

 

 

 

 

 

 

L’Association Française du Vitiligo a fait appel au pôle Opinion suite à l’étude menée sur les jeunes et le vitiligo.

 

Dr. Mickael Worms-Ehrminger, enseignant-chercheur en santé publique, auteur et producteur santé mentale, consultant et Martine Carré, présidente de l’Association Française du Vitiligo partagent avec nous les enseignements clés de cette étude.

 

 

 

 

 

Question 1 : Pouvez-vous nous présenter en quelques mots votre association et nous partager les raisons/motivations qui ont conduit à la réalisation de cette étude ?

 

Martine Carré :  L’Association Française du Vitiligo est une association créée en 1991, qui rassemble aujourd’hui plus de 800 adhérents, et rejoint plus de 6000 sympathisants abonnés à sa newsletter. Ses objectifs sont l’information des malades, la sensibilisation générale à la maladie, l’accompagnement et le soutien des malades et de leurs proches, ou encore leur représentation dans les instances institutionnelles ou politiques. Lutter contre les fausses nouvelles et les traitements miracles, sortir les malades de l’isolement, redonner de l’espoir, écouter leurs expériences… autant d’actions menées dans les groupes de paroles, pendant la permanence téléphonique, lors d’échanges par mail, l’animation des réseaux sociaux…

 

Ce qui nous a conduit à la réalisation de cette étude relève d’un constat que nous étions rarement en contact avec les jeunes adultes et les grands adolescents. Leurs parents font relais avec leurs ressentis et leurs inquiétudes de parents, avec leurs mots. A partir de nos expériences et en écoutant les adultes atteints pendant leur jeunesse, nous savons combien cette période de vie est difficile à traverser avec la souffrance d’accepter son image transformée par la dépigmentation.

 

Dr. Mickael Worms-Ehrminger : Il existe très peu d’études sur le vitiligo, et encore moins sur le vitiligo chez les jeunes. Une approche quantitative en population générale et qualitative sur un groupe de jeunes vivant avec un vitiligo donne une complémentarité nécessaire pour comprendre la situation des deux points de vue. D’un côté, on a la connaissance superficielle et les attitudes ou comportements discriminant, voire excluants ; de l’autre, on a l’expérience vécue de la maladie dans son contexte social et sociétal. A l’heure où la recherche qualitative revient en force, mettant en lumière l’expérience en vie réelle des patients, ces insights sont à l’heure actuelle inédits en France, la plupart des études utilisant des questionnaires chiffrés, forcément réducteurs.

 

 

 

Question 2 : L’étude démontre que malgré la notoriété de certaines personnalités, notamment la mannequin Winnie Harlow, qui n’hésite pas à parler et à montrer son vitiligo au monde, la connaissance de la maladie demeure superficielle, particulièrement chez les jeunes. Comment expliquez-vous ce phénomène ?

 

Martine Carré :  Une des explications probables est l’impossibilité de s’identifier à une personne dont l’apparence est totalement hors norme. Cela ne concerne pas les jeunes ni de près, ni loin. Combien de fois, pour expliquer la maladie, nous faisons référence à ce mannequin et provoquons cette réaction « c’est une maladie ? ». Ces références visuelles sont trop décalées, cela amène aussi à dire « je trouve cela joli ! ». Facile à dire quand cela ne vous concerne pas.

 

Dr. Mickael Worms-Ehrminger : C’est le paradoxe de ce qui se passe en ce moment avec la santé mentale, sujet sur lequel plusieurs personnalités publiques s’expriment de plus en plus régulièrement : plus il y a d’information, moins il y a d’information. Quand une personnalité s’exprime très fréquemment sur un sujet, il peut y a avoir une impression que celle-ci exploite le sujet à des fins de « self-branding » ou commerciales. L’authenticité a tendance à décroître, et cela crée un bruit de fond ou un désintérêt sur le sujet.

 

C’est pourquoi la connaissance reste superficielle, y compris sur des maladies fréquentes comme la dépression et les troubles anxieux, alors qu’on en parle à toutes les sauces. Le phénomène est à mon sens comparable.

 

 

 

 

Question 3 : Quels leviers considérez-vous comme essentiels à activer pour soutenir les jeunes atteints de vitiligo, particulièrement dans leur processus d’acceptation de la maladie ?

 

Martine Carré : Un levier de soutien essentiel est de sortir le jeune de son isolement et de l’inquiétude de ses parents en permettant l’accompagnement par des pairs par exemple :

–      Fournir une information sérieuse et validée, favoriser la compréhension des protocoles de soins, rendre accessible les traitements (consultation et suivi dermatologique, photothérapie à domicile…)

–      Mettre en œuvre des outils digitaux, des supports

–      Faire connaitre la maladie largement : auprès des proches, dans le milieu scolaire, universitaire, professionnel, sportif…. Une forme de normalisation pour éviter les regards curieux, malveillants, les moqueries, la stigmatisation, le harcèlement.

 

Dr. Mickael Worms-Ehrminger : On sait depuis quelques décennies que la sensibilisation et l’information du grand public n’entraînent que très rarement des changements d’attitude, et encore moins des changements de comportement. La rencontre directe ou indirecte, induit une proximité et rétablissant l’humanité par une relation sociale ou parasociale est une stratégie qui fonctionne bien pour promouvoir l’acceptation de la « différence » par la population générale, et donc l’acceptation de soi. « Pour être confirmé dans mon identité, je dépends entièrement des autres », écrit Hannah Arendt. L’acceptabilité et la faisabilité de l’organisation de ce type de rencontres reste à étudier en termes d’impact réel vis-à-vis de l’effort logistique que celles-ci impliquent.

 

Au-delà de cet aspect sociétal, le soutien entre pairs, par exemple par la médiation du milieu associatif est une stratégie importante à développer, car elle fait ses preuves, y compris dans d’autres domaines. Ce partage d’expérience et de ses difficultés avec des personnes qui ont traversé les mêmes épreuves et inquiétudes est bénéfique car il permet de se décentrer et donner un sentiment d’appartenance à une communauté : cela peut renforcer l’estime de soi, l’image de soi, et donc l’acceptation de soi.

 

Vos interlocuteurs

Marion Chasles-parot Directrice de clientèle - Opinion & Stratégies d'Entreprises

Lisa Roure Chargée d’études - Opinion & Stratégies d’Entreprise

Mirabelle Barbier Cheffe de groupe - Département Opinion & Stratégies d'Entreprise

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